Etat d’urgence, migrants: « des mesures dangereuses pour les libertés publiques »

25 février 2016 Non Par Les_migrants_afrique

Etat d’urgence, migrants: « des mesures dangereuses pour les libertés publiques »

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Amnesty international publie son rapport annuel 2015/2016, ce mercredi. Cette année, l’ONG de défense des Droits humains insiste sur les « coups aux institutions créées pour protéger les droits humains ». Y compris en France. Les précisions de Geneviève Garrigos, présidente de l’association.

« Ce sont non seulement nos droits qui sont menacés, mais aussi les lois et le système qui les protègent, avertit Amnesty international dans son rapport annuel, sorti ce mercredi. La menace terroriste justifie, dans de nombreux pays, y compris dans les pays occidentaux, des mesures qui mettent en danger les libertés publiques. La France n’est pas épargnée, souligne Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France. 

e rapport d’Amnesty International 2015/2016 est sévère avec les nouvelles dispositions prises en France après les attentats terroristes de janvier et novembre 2015. Pour quelle raison?

Tout d’abord, le discours des autorités de l’Etat. On nous dit qu’il faut trouver un équilibre entre la sécurité et les droits humains. Le Premier ministre a parlé de la « sécurité, première des libertés« . C’est absurde et dangereux. Tous les droits sont inaliénables. Le droit international prévoit la limitation de certains droits dans un contexte précis, mais ces restrictions doivent être temporaires. Avec la prolongation de la loi sur l’état d’urgence, on attaque le socle de nos droits et libertés.

Plus grave encore, le gouvernement conteste de plus en plus la légitimité des instances internationales lorsqu’elles mettent en cause nos agissements. Par exemple pour l’expulsion de Roms. Or, nos droits et libertés sont adoptés et définis dans différents pactes ratifiés par la France. Ces organismes critiqués par l’exécutif sont précisément ceux qui veillent à la garantie de ces droits. On ne peut pas se poser en chevalier blanc du droit et critiquer les instances internationales de contrôle de ce droit.

Quelles sont les actions et les mesures adoptées en France depuis les attentats qui inquiètent le plus Amnesty International?

Les poursuites engagées pour apologie du terrorisme ont été menées alors que la définition de cette infraction était particulièrement vague. Cela a conduit à des poursuites pour des déclarations qui relevaient, selon nous, de l’exercice légitime de la liberté d’expression.

Ensuite, la loi sur le renseignement modifiée après les attentats du 13 novembre, aboutit à une diminution des garanties des droits, avec la suppression de l’autorisation judiciaire préalable. Nombre de perquisitions et d’assignations à résidence effectuées depuis novembre ont été basées non pas sur des actes, mais sur des comportements; là encore, des notions très vagues, surtout en l’absence de contrôle judiciaire, qui conduisent à des abus.

Nous dénonçons aussi le champ d’application de ces mesures qui va bien au-delà du terrorisme. Ainsi, la loi renseignement adoptée en juillet permet au Premier ministre d’autoriser, sans contrôle judiciaire indépendant, des mesures de contrôle qui n’ont rien à voir avec le terrorisme, notamment la protection des « intérêts économiques » ou des « intérêts majeurs de politique étrangère ». Pendant la COP 21, par exemple, les mesures permises par l’état d’urgence ont été appliquées contre des militants écologistes. Tout cela est très inquiétant.

Toutes ces mesures sont en contradiction avec les discours affichés après l’attaque contre Charlie Hebdo, sur « nos valeurs de liberté » ciblées par les terroristes…

Oui. C’est consternant. On tient ce discours et au final, on donne raison aux djihadistes en touchant aux mécanismes qui fondent le socle de nos valeurs, comme l’autorisation de la surveillance massive.

Les récentes décisions de justice contre les campagnes de boycott d’Israël (BDS) portent-elles aussi atteinte à la liberté d’expression ou sont-elles être justifiées par le combat contre l’antisémitisme ?

Amnesty International ne prend généralement pas position en faveur des embargos, à l’exception des embargos sur les armes. Mais nous somme contre les condamnations de militants qui appellent à un embargo. On ne peut pas assimiler à de l’antisémitisme la dénonciation de la politique d’un Etat qui pratique de graves violations du droit international, comme la construction de colonie ou les détentions administratives. Il faut remettre les mots à leur place. C’est clairement une atteinte à la liberté d’expression.

Votre rapport dénonce également le double discours de la France sur les Droits de l’Homme vis-à-vis de ses partenaires commerciaux…

En effet. Nous déplorons le terrible silence de la France sur les crimes commis au Yémen par l’Arabie Saoudite ou les milliers d’arrestations et les centaines de condamnations à mort en Egypte.

Nous regrettons également une promesse non tenue du gouvernement. Il s’était engagé à lever des verrous qui empêchent l’application de la compétence universelle en France, pour juger les crimes de guerre et les actes de génocide. Il n’en n’a rien fait. Au contraire, la France a adopté un protocole de coopération judiciaire avec le Maroc qui favorise l’impunité pour les responsables marocains suspectés de graves violations des droits humains.