Migrants en Europe : le plan B de Matteo Renzi

16 juin 2015 Non Par Les_migrants_afrique

Migrants en Europe : le plan B de Matteo Renzi

En rétorsion au refus des partenaires européens d’accueillir des demandeurs d’asile, l’Italie menace de déchirer le traité de Dublin. Explications.

La France a fermé sa frontière avec l'Italie. Une décision qui contrevient aux règles en vigueur dans l'espace Schengen, accuse Matteo Renzi. 

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La tension croît entre Rome et Paris à la suite du déploiement de CRS à Menton pour empêcher les immigrés demandeurs d’asile d’entrer dans l’Hexagone. L’Italie accuse la France d’avoir, de fait, suspendu l’espace Schengen.

Le blocage de la frontière française arrive à un moment critique pour la péninsule. Depuis le début de l’année, 57 000 immigrés ont débarqué en Sicile. La plupart d’entre eux prennent immédiatement la route de l’Europe du Nord. Mais, invoquant la tenue du G7 en Bavière, l’Allemagne a suspendu l’espace Schengen (suspension qui prend fin le 15 juin) pendant trois semaines et bloqué l’arrivée des sans-papiers. En revanche, l’Autriche pousse en Italie les demandeurs d’asile arrivés par la route des Balkans au lieu de les retenir sur son territoire jusqu’à l’examen de leur situation comme le voudraient les accords de Dublin. Avec la fermeture de la France, la nasse se referme complètement. Les centres d’accueil transalpins débordent et le flot de migrants se concentre dans des campements de fortune organisés dans les gares de Milan, de Rome ou d’Udine.

Un permis de séjour provisoire

Face à cette situation de crise dénoncée par l’opposition, Matteo Renzi accuse l’Europe de se défausser du problème de l‘immigration africaine sur l’Italie et menace l’instauration unilatérale d’un plan B. Ce plan prévoit l’octroi immédiat de permis de séjour provisoires aux demandeurs d’asile alors que les procédures conventionnelles prévues par le traité de Dublin durent de dix-huit à vingt-quatre mois. Munis de ces permis, les migrants seraient libres de gagner les autres pays d’Europe où leur demande d’asile pourrait être examinée dans un second temps. Cette procédure pourrait notamment s’appliquer aux Syriens et aux Érythréens, à qui le statut de réfugié politique est systématiquement accordé.

L’autre mesure consiste à obliger les navires qui, dans le cadre de l’opération Triton, secourent des immigrés en mer à ramener ces migrants dans le pays dont ils battent pavillon et non dans les ports italiens comme c’est aujourd’hui le cas. Ainsi, les migrants secourus par des navires français seraient accueillis en France, ceux secourus par des navires britanniques en Grande-Bretagne, etc.

Bluff ou réelle volonté de déchirer la carte du traité de Dublin ? Il est trop tôt pour le dire. Mais, en menaçant de bouleverser les règles sur l’accueil des migrants, Matteo Renzi veut forcer ses partenaires à entamer véritablement des négociations sur la distribution de quotas d’immigrés entre les 28 de l’Union. Et si certaines nations rechignent, le président du Conseil évoque sur la question de l’immigration la création d’une Europe à deux vitesses dans laquelle les six pays fondateurs – France, Allemagne, Belgique, Italie, Luxembourg et Pays-Bas – dérogeraient aux pactes existants par devoir de solidarité.

Renforcer les mécanismes de rapatriement

Outre ce volet européen, Rome se tourne vers l’Afrique. Le gouvernement souhaite renforcer les mécanismes de rapatriement des migrants dont la demande d’asile a été refusée. En 2014, sur les 15 000 immigrés expulsés administrativement, seuls 5 000 sont retournés dans leur pays d’origine. Des conventions bilatérales existent avec la Tunisie, le Maroc, l’Égypte et le Nigeria, mais il est urgent d’en conclure avec la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bangladesh, le Mali et le Soudan.

Enfin, reste la Libye, d’où part la grande majorité des immigrés qui arrivent en Europe. Le projet consisterait à ouvrir sur le territoire libyen des camps de réfugiés où les demandes d’asile seraient examinées par les différents pays européens. Mais nul ne peut agir en Libye sans la couverture des Nations unies. Les maigres espoirs reposent donc sur la réponse que donneront à Bernardino León, le 17 juin prochain, les deux gouvernements libyens aujourd’hui en guerre l’un contre l’autre.