Comment l’OIM sauve des migrants bloqués et torturés en Libye

Comment l’OIM sauve des migrants bloqués et torturés en Libye

23 mars 2017 Non Par Les_migrants_afrique

Comment l’OIM sauve des migrants bloqués et torturés en Libye

Comment l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) arrive à faire sortir des milliers de migrants qui croupissent dans les centres de rétention insalubres en Libye ? InfoMigrants a mené l’enquête.

L’annonce est tombée mercredi 22 mars, dans la matinée. Plus de 150 migrants ivoiriens, prisonniers en Libye, ont été libérés des geôles dans lesquelles ils croupissaient, puis rapatriés dans leur pays d’origine, grâce à l’aide de l’Organisation internationale des migrations (OIM). « Je suis trop content de rentrer », confie Aboudramane, l’un d’entre eux, à sa descente d’avion. « On était dans des prisons, privés de nourriture, et frappés tous les jours ».

Ce n’est pas la première fois que l’OIM intervient en Libye pour venir en aide aux migrants coincés dans ce pays morcelé depuis la chute de Mouammar Kadhafi. En 2015, l’organisation avait aidé au rapatriement de 400 migrants sénégalais. Comment ? Grâce à son équipe de plus de 100 personnes qui travaille sur place, et qui a accès à une vingtaine de prisons réparties dans le pays. « Il y a des zones où nous ne sommes pas présents », reconnaît Sarah Abbas, directrice du bureau de l’OIM à Paris, jointe par InfoMigrants. Des endroits, notamment dans le sud du pays, où il existe des camps de migrants clandestins, à la merci des milices et de la mafia. Là-bas, « c’est trop instable, c’est trop compliqué d’y aller ».

La plupart des centres visités par l’OIM sont situés à l’ouest du pays, sous contrôle du gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale. Vingt-neuf membres sont, par exemple, basés à Tripoli, trois à Sabratha, deux à Zliten, deux à Bani Walid. Mais il existe également des petites antennes dans le reste du pays : huit personnes de l’organisation sont basés dans l’est du pays, à Benghazi et de deux personnes à Tobrouk, deux villes sous le contrôle du maréchal Haftar – leader dissident qui conteste la légitimité du GNA.

« Nous allons directement dans les prisons pour rencontrer les migrants »

Pour aider les migrants au quotidien, les équipes de l’OIM travaillent en étroite collaboration avec le Directorat libyen pour la lutte contre la migration illégale (DCIM), un organe qui relève du ministère de l’Intérieur du GNA. Elles interviennent directement dans les lieux de rétention où elles sont autorisées à pénétrer. « Nous rencontrons les migrants, nous leur distribuons des kits d’hygiène, des vêtements, nous leur faisons passer des examens médicaux et puis, bien sûr, nous aidons ceux qui veulent rentrer chez eux », continue Sarah Abbas.

Parfois, les migrants contactent eux-mêmes l’OIM. « Il existe de nombreux cas où les personnes communiquent directement avec [nous], qu’elles soient à l’intérieur ou à l’extérieur des centres de détention. Elles nous contactent par le biais des médias sociaux, d’appels téléphoniques », précise de son côté, Christine Petre, directrice du bureau de l’OIM en Libye, contactée par InfoMigrants.

À l’intérieur des camps de rétention, « c’est l’enfer », continue-t-elle. « Nous savons que les conditions sont terribles. […] Mais nous essayons de développer des alternatives, ou d’améliorer la situation en insistant, par exemple, sur la construction d’espaces consacrés aux femmes et aux enfants ». Amnesty international e l’Unicef ont alerté ces derniers mois les pouvoirs publics sur l’enfer des camps libyens : tortures, passages à tabac, malnutrition, racket… À son échelle, l’OIM essaie aussi de trouver des solutions. L’institution a organisé fin février une formation de cinq jours pour le personnel de centres de détention libyens destinée à les sensibiliser à la protection des droits fondamentaux des migrants à l’intérieur des prisons.

« Depuis 2011, 13 700 migrants coincés en Libye sont rentrés chez eux »

« Quand nous rencontrons des cas graves, des migrants vraiment mal en point, nous pouvons, en accord avec le DCIM, les transférer vers un hôpital », précise encore Christine Petre. « Nous essayons, ensuite, quand ils sont suffisamment stables de leur expliquer qu’ils ont la possibilité de rentrer chez eux ».

Concrètement, avant les rapatriements, plusieurs critères doivent être remplis par l’OIM. Une fois que l’identification et la sélection des candidats au retour est établie, l’organisation doit obtenir l’aval des pays concernés – pays qui souvent aident au financement du rapatriement de leurs ressortissants. Grâce au soutien du pays d’origine et à l’aide financière de l’UE, l’OIM peut affréter des avions. « Depuis 2011, 13 700 migrants sont rentrés chez eux, au Niger, en Côte d’Ivoire, au Sénégal… », conclut Sarah Abbas, du bureau de l’OIM à Paris.

© OIM

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