Camp de Loon-Plage : un exilé tué par balles

Camp de Loon-Plage : un exilé tué par balles

22 février 2023 Non Par Fatou Kane

Un rassemblement en hommage à un Irakien tué le 14 février sur le camp de Loon-Plage a lieu mercredi soir, à Dunkerque, alors que le parquet vient d’ouvrir une enquête sur le dossier. Dans la foulée de ce drame, le camp de Loon-Plage a été le théâtre d’un accident industriel, lundi. L’association Utopia 56 regrette le manque de prise en charge des exilés qui y survivent.

Ce mercredi 22 février dans la soirée, un rassemblement est organisé à Dunkerque en hommage à un exilé tué par balle le 14 février dans le campement de Loon-Plage. Ce dernier avait succombé à ses blessures le lendemain, à l’hôpital de Lille.

Une information judiciaire pour homicide volontaire a été ouverte lundi par le parquet de Dunkerque. L’auteur du coup de feu n’est, pour l’heure, pas identifié. « Aucune interpellation n’a eu lieu à ce stade » et « les investigations se poursuivent », a indiqué à l’AFP le procureur de Dunkerque, Sébastien Piève.

Selon les premiers éléments de l’enquête, « la victime serait née en 1989 en Irak ». Le parquet émet l’hypothèse selon laquelle l’homme « a été touché alors qu’il se trouvait dans sa tente ».

« Compte tenu du contexte général, ces faits pourraient correspondre aux mouvements de violence observés lors des règlements de comptes entre passeurs », estime Sébastien Piève.

Difficile pour les membres d’associations, quotidiennement présents sur le campement, de retracer les circonstances du tir mortel. Amélie Moyart, coordinatrice d’Utopia 56, interrogée par InfoMigrants, évoque « une montée de tensions ». « Les gens vivent dans des conditions difficiles, ils sont abandonnés et des armes circulent sur le camp », dit-elle.

« Soit on meurt de froid au camp, soit on meurt noyés en mer » : malgré un nouveau naufrage dans la Manche, les migrants décidés à partir

Une situation qui s’enlise depuis des mois : « C’est un camp où il y a toujours eu des violences car il est éloigné de tout, caché », souligne la responsable associative.

Un camp proche de la zone industrielle

Le campement se trouve à son emplacement actuel depuis décembre. Il a connu de nombreux déplacements successifs, « de plus en plus en direction de la zone industrielle », poursuit Amélie Moyart. Auparavant, « il était plus vers Auchan. Depuis décembre, la sous-préfecture a fait déplacer les personnes de l’autre côté de la départementale. »

Or, c’est dans cette zone qu’a aussi eu lieu un accident industriel, ce lundi. Un « dégazage inopiné de chlore et d’acide chlorhydrique » est survenu à 15h30 sur le site de l’entreprise IndaChlor, a communiqué la préfecture du Nord.

« On sait que cet incident s’est produit dans l’une des cuves de stockage où sont déposés les déchets chlorés issus de l’industrie plastique et destinés à être valorisés. Pour une raison qui reste encore à déterminer, de la vapeur acidifiée s’est échappée de cette cuve », a confirmé l’entreprise à La Voix du Nord.

D’après la préfecture, une vingtaine de personnes migrantes présentes dans le campement « ont été indisposées », et ont « pu bénéficier d’une proposition de prise en charge » par les pompiers et le SAMU. « Aucune situation examinée par les services de secours n’a nécessité de prise en charge médicale à ce stade », précise la préfecture.

« Aucune évacuation n’a été mise en place »

Amélie Moyart, présente sur le camp de Loon-Plage lundi après-midi, nuance cette version des faits. « Les policiers ont crié : ‘On évacue, on évacue. On reste pas là, c’est dangereux’. Mais ils ne menaient pas l’opération d’évacuation eux-mêmes », raconte la coordinatrice d’Utopia 56.

Le temps que les pompiers se déploient et interviennent auprès des exilés, « aucune évacuation n’a été mise en place », regrette-t-elle. Plus tard, « le nuage s’est dispersé, vers 18h30 ».

Mardi matin, « on a rencontré une personne qui nous a dit avoir eu des vomissements », témoigne en outre la responsable associative. Mais beaucoup d’exilés, comme cette personne, ne se rendent pas à l’hôpital par « peur des autorités » et n’ont « aucune confiance dans les secours », explique-t-elle.

Gale, plaies surinfectées, infections urinaires : dans le camp de Loon-Plage, une crise humanitaire due à l’absence d’eau potable

Actuellement, entre 100 et 150 personnes survivent sur le campement dans des conditions difficiles, sans accès à l’eau. Les origines sont variées : Kurdes d’Irak, Afghans, Pakistanais, Soudanais, Égyptiens, Indiens… Parmi ces personnes, « il y a plusieurs familles. Certaines sont parties dans des CAES au cours du week-end », indique encore Aurélie Moyart.