Royaume-Uni : des demandeurs d’asile logés dans des conditions « inhumaines », selon un rapport de Human Rights Watch

Royaume-Uni : des demandeurs d’asile logés dans des conditions « inhumaines », selon un rapport de Human Rights Watch

15 septembre 2023 Non Par Fatou Kane

Dans un rapport publié jeudi, deux ONG, Human Rights Watch et l’organisation de défense des droits humains Just Fair, dénoncent les conditions d’accueil déplorables réservés aux demandeurs d’asile arrivant dans les hôtels et hébergements provisoires du Royaume-Uni.

Humidité, manque de nourriture, rats… Le Royaume-Uni accueille les familles de demandeurs d’asile avec enfants dans des hébergements provisoires dans des conditions « inhumaines » et inadaptées, déplore Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié jeudi 14 septembre et intitulé ‘ »Je me sentais pris au piège ». Dans ce texte de 100 pages, HRW et l’organisation de défense des droits humains Just Fair dénoncent des conditions « terribles » résultant d’un « échec de longue date » des politiques publiques.

Pour sa rédaction, les ONG indiquent avoir interrogé plus de 50 demandeurs d’asile, dont 27 enfants, vivant ou ayant récemment vécu dans des hébergements temporaires (notamment des hôtels) en Angleterre. Nombre de familles ont indiqué qu’elles ont dû y passer des mois, parfois même plus d’un an, malgré l’objectif du gouvernement que les familles avec enfants rejoignent un hébergement plus pérenne dans les 19 jours.

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Dans le document, les ONG racontent les très nombreuses difficultés soulevées par les demandeurs d’asile, notamment le manque d’espace, l’humidité, la moisissure et la présence de nuisibles. « Nous avions l’habitude de voir des rats morts sur des pièges et des rats vivants courir derrière les tuyaux », raconte Aileen, arrivée au Royaume-Uni en juin 2021 avec son mari et leurs deux filles de 12 et 17 ans. La famille vivait alors dans un hôtel à Hounslow, dans l’ouest de Londres. Les chambres étaient « pleines » de rats, ont-elles confié à HRW. « Lorsque nous ou d’autres familles l’avons dit au personnel, ils ont répondu que ce n’était pas un problème qui pouvait être résolu ».

Un rat mort trouvé dans une chambre d'hôtel attribuée à une famille demandant l'asile, Hounslow, à l'ouest de Londres, 2021. Crédit : HRW
Un rat mort trouvé dans une chambre d’hôtel attribuée à une famille demandant l’asile, Hounslow, à l’ouest de Londres, 2021. Crédit : HRW

« Je vois des élèves et ils ont l’air heureux »

Le rapport insiste aussi sur les difficultés de scolarisation des enfants qu’ils soient arrivés sur le sol britannique seul ou avec leurs familles. « Parfois, je vais au collège en face de l’hôtel et j’observe les étudiants quand ils sortent », raconte Musa, un jeune Afghan non accompagné de 17 ans, vivant dans un hôtel à Bournemouth, dans le sud de l’Angleterre. L’adolescent explique ne trouver aucune aide pour l’aider à s’inscrire dans une école depuis mars 2022, date à laquelle il est arrivé au Royaume-Uni. « Je vois que certains des élèves sont Afghans et qu’ils ont l’air heureux. Mon seul espoir et rêve est de retourner à l’école, comme eux ».

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Nesreen, une Libyenne de 36 ans, a, elle, été placée à Bradford, une ville du nord de l’Angleterre, à son arrivée dans le pays. Ses quatre enfants n’ont pas été scolarisés pendant un mois. À force d’insistance, elle a finalement réussi à mettre trois de ses enfants dans une école locale. « Mais le ministère de l’Intérieur a ensuite transféré Nesreen et sa famille à plus de 125 kilomètres vers un autre hôtel, à Scarborough, dans le nord-est de l’Angleterre », écrit HRW. « Les enfants ont dû encore une fois attendre un mois avant de pouvoir aller à l’école ».

D’autres sujets sont abordés par l’ONG, notamment l’état de santé des plus jeunes. « Nesreen nous a raconté que ses enfants, âgés de 6 à 14 ans, avaient des difficultés avec la nourriture », peut-on lire dans le document. « Parfois, la nourriture était insuffisamment cuite. Les plus jeunes ne voulaient pas manger dans cet hôtel. Ils ont tous perdu du poids' ». Dans certains cas, des médecins ont même exprimé « leur inquiétude » quant à la santé et au développement des enfants.

Priorité de Londres : stopper les arrivées par bateaux

En conclusion, « l’hébergement inhumain et inadapté de personnes qui cherchent à être en sécurité n’est jamais acceptable, et certainement pas dans la sixième économie mondiale », a déclaré Yasmine Ahmed, directrice Royaume-Uni chez Human Rights Watch. « Le gouvernement britannique devrait réorienter ses financements vers des logements à long terme et un soutien social adéquats », a-t-elle ajouté.

Même colère de la part de Jess McQuail, la directrice de Just Fair. « La politique gouvernementale porte directement atteinte à la santé et au bien-être des enfants vulnérables et de leurs familles venus au Royaume-Uni en quête de sécurité », a-t-elle déclaré. « Au lieu d’opposer demandeurs d’asile et habitants, le gouvernement britannique devrait mobiliser les ressources disponibles pour garantir le respect des droits de chacun ».

La priorité de l’exécutif n’est pas le bien-être des nouveaux arrivants mais l’arrêt de leurs arrivées – sujet sensible politiquement dans le pays – via la Manche à bord de petites embarcations. Une nouvelle loi interdit d’ailleurs aux exilés arrivés illégalement de demander l’asile et prévoit leur transfert dans un pays tiers, comme le Rwanda – bien que ces mesures soient suspendues à des recours en justice.

Les conservateurs au pouvoir veulent également réduire la facture de l’hébergement des demandeurs d’asile, en recourant à des barges ou des bases militaires désaffectées. Le mois dernier, les premiers migrants arrivés à bord avaient finalement dû quitter la barge « Bibby Stockholm » en raison de la découverte de légionelles dans le circuit d’eau du bateau.

« Barges, baraquements et installations similaires à grande échelle (…) ne devraient pas être utilisées pour héberger des demandeurs d’asile au Royaume-Uni », plaident enfin Human Rights Watch et Just Fair. « À la place, les demandeurs d’asile devraient être soutenues pour trouver leur propre logement dans l’endroit qu’ils choisissent et avoir le droit de travailler aussi longtemps que leur dossier est examiné ».